Nanas, lol, et main au cul

Il m’arrive, assez peu, je dois bien l’avouer, mais ça m’arrive de lire des blogs de filles. Je ne parle pas ici de blog physiquement tenus par une personne munie d’une paire de seins et d’un vagin mais plutôt de blogs qui se revendiquent comme des espaces “féminins”- entendre par là des blogs qui abordent des problématiques essentiellement féminines (épilation, sexe, mode, vie sentimentale) sous des angles divers et variés mais marqués tous plus ou moins d’un certain communautarisme puisque siglé par l’appartenance à un sexe.  Mais j’y jette un œil à l’occasion. Histoire de voir si je ne me trompe toujours pas, et si l’âge venant peut être -pour moi- ou l’expérience aidant -pour elles- je ne me retrouve pas par miracle sur des articles pertinents/ intelligents/ drôles voire orgasme suprême tout ça à la fois.

Hélas… Qu’elles s’y mettent à plusieurs ou toute seule, il faut avouer que je suis souvent déçue. Le problème numéro un de ces blogs: s’enfermer justement dans des “truc de filles”. Or, si j’en suis une, et là dessus je suis formelle, je ne me définis pas que comme ça.

Le plus souvent ils m’emmerdent. Trop de stéréotypes, pas assez de second degré, des sujets le plus souvent aussi léthargiques qu’un épisode de Derrick ou alors une espèce de fausse provoc à gros sabots qui ne trompe personne et est là avant tout pour se donner un côté cool de pacotille. L’humour, les codes soit disant trash, réutilisés et dupliqués jusqu’à en perdre toute consistance. Cet espèce de ton qui était novateur il y a encore quelques années, mené par quelques plumes brillantes a surtout fait naitre une génération spontanée de fausses mères indignes, filles pseudos libérées, décomplexées du cul et du cerveau, soit disant, mais re-suçant à l’infini des concepts qui finissent par être éculés. D’abord on la joue célibattante sexuellement open avec moult aventures incluant toyboys et sextoys, ensuite on pond son blog de maman mais pas convenable, … J’attends de voir, génération vieillissante faisant foi,  qui attaquera en premier le créneau de la blogueuse divorcée et cougar. A la énième description faussement rebelle de la chevauchée (pardon, sodomie) fantastique aussi plate que l’électroencéphalogramme de Zaz, , j’ai surtout envie d’aller chercher des paires de couilles et de leur fixer sur le front vu l’usage qu’elles pourraient ne pas en faire. Le lol, cette chose fragile et difficile à définir, meilleur ennemi des blogs de nanas.

Parce que oui, la tendance est à faire rire. A tourner en dérision, ou en auto-dérision si l’on peut c’est encore mieux: s’assurer un certain nombre de vues, RT, partages FB parce qu’on a eu un trait de génie, et d’humour. Parce que les billets sérieux, ça va bien cinq minutes, mais on est entre filles, soyons légères et charmantes, moquons nous de nous mêmes aussi, c’est tellement noble de notre part…

Or, et c’est là le plus grand piège de ce type de blogs, c’est qu’on joue en permanence avec les limites: où se situe la frontière entre Lol et sexisme, à quel point peut on défoncer les clichés ou au contraire les conforter? Qu’on le veuille ou non, l’humour véhicule TOUJOURS un message. Il n’y a pas d’humour neutre, c’est une connerie de le penser. Bien sûr, entre gens tellement intelligents, tellement second degré, on a tendance à s’excuser de la moindre défaillance du Lol, parce que ce sont des filles alors tu comprends, c’est forcément pas sexiste, et pourtant la même saillie, au mot et à virgule près dite par un quelconque péquenaud un peu beauf se ferait huer.

Suis je devenue avec l’âge – et la sagesse afférente, ahem- plus sensible à ce type de vannes? Peut être. Disons que ma conscience “féministe” si j’en ai une s’explique par un syndrome assez simple à comprendre qui est celui de l’accumulation. J’y vois comme une espèce de sensibilisation allergique: les expositions successives à l’agent responsable de la réaction rendent celles ci de plus en plus spectaculaires au fur et à mesure. Alors, oui je gueule et je m’énerve quand quelque chose touche à ce qui me semble dépasser le domaine du lol pour être juste sexiste. J’en avais déjà été pour mon compte il y a quelques mois, où le billet d’une blogueuse révérée – et soit dit en passant dont l’humour ne m’est apparu que comme la Sainte Vierge, c’est à dire jamais- et j’avais beaucoup réfléchi à cette fragile tension entre faire de l’humour et être insultant. Envers les femmes, les gros, les noirs, les petits, les micropénis, les cons, ceux avec qui on n’est pas d’accord, ce n’est pas qu’on vise une certaine tranche de la population, le souci, c’est plutôt comment on le fait. Après tout, stigmatiser une catégorie est un ressort évident et une ficelle facile. Certains s’y emploient avec talent, d’ailleurs. Relire ou revisionner Desproges -je sais, l’exemple est facile, mais il a le mérite d’être parlant pour le plus grand nombre, faudrait il d’ailleurs instituer un « point Desproges »?-  me fait hurler de rire, et pourtant personne n’aura jamais autant utilisé ces mécanismes là. Propos sexistes, racistes, oui… Mais avec une telle finesse dans le propos, avec un art de ne pas mettre le fond dans la fange et garder une certaine classe sur la forme.

Personne ne peut avec un aplomb certain décréter: ceci n’est pas drôle. Par contre, on peut, à titre personnel dire “ce genre d’humour ne me fait pas rire”. Et on peut même pousser le raisonnement plus loin en disant “ce genre d’humour encourage des comportements, des réflexions et des réactions machistes/ racistes/ complétez selon votre bon vouloir.

Venons en à ce qui a déclenché l’envie de pondre ce billet: un gag de potaches paru sur le blog de la Michauré. Blog que je fréquente à intervalles irréguliers, je précise, un peu au hasard des RT twitter et qui assez souvent m’a fait sourire si ce n’est franchement marrer. Deux nanas, mises dans des situations quotidiennes – enfin, entendons nous bien, des situations quotidiennes de jeunes femmes vivant dans une grande ville, célibataires avec toute la masse de clichés qui peut en découler et qui ne sont pas toujours évités, loin s’en faut- quelques bulles illustrées, le temps de construire une vanne courte et “sans message précis”, m’a-t-on dit.

Sauf que, revenons à ce que je disais plus haut, toute forme d’humour est un message, qu’on le veuille ou non. Toute vanne a une responsabilité dont il est trop facile de se dédouaner après.

Dans le gag qui nous occupe, des nanas se plaignent d’être “harcelées” en rue par des types trop empressés, et la chute nous montre une nana en minijupe, dont la copine un peu dédaigneuse lui dit de remonter ses bas. Bien sûr, c’est drôle, haha.

Ou alors, c’est juste dire: les meufs, habillées comme des pétasses, il est normal qu’on vous harcèle, qu’on vous fiche la main au cul, z’avez qu’à regarder comment vous êtes sapées (on n’ira pas jusqu’à dire “viole”, ce serait peut être pousser le raisonnement trop loin). Message d’autant plus pervers que c’est une nana qui le dit.

Alors quoi? Est ce qu’on ne peut pas rire de ça? Si, trois fois si. Évidemment qu’il faut rire. Mais peut être pas comme ça. M’interrogeant sur ce qui moi m’aurait fait rire, je me disais que placer un homme dans cette situation là (en mini-short, main au cul par une nana entreprenante) m’aurait sans doute au moins fait sourire. Prendre la situation avec du recul, de la distanciation permet de « dédramatiser » une situation anxiogène, désagréable voire inacceptable.  Ici, le côté assez immédiat (du aussi à l’espace dont on dispose, j’en ai bien conscience) plus le côté “trucs de filles où on ne fait parler que des filles “ (puisque apparemment c’est la volonté des “parents” de LaMichauré) font que le gag tombe à plat et est même contreproductif, si j’en juge de part les nombreuses réactions de femmes (et quelques hommes) que j’ai pu lire sur mon fil twitter à ce propos. Ce dernier est il représentatif ? Peut être pas. Après tout, et c’est le même problème qu’avec les opinions politiques, sur twitter on a tendance à construire une Timeline dont les idées, inclinaisons, l’humour tendent à se rapprocher du nôtre, et j’ai donc bien conscience du côté souvent biaisé que peut revêtir un afflux de followers abondant dans votre sens.

Est ce que des gens ont ri devant ce gag? Sans doute. Est ce que c’est émettre un jugement de valeur prétentieux que de dire que moi, ça ne m’a fait rire une seule seconde? Peut être. Sans tomber dans le totalitarisme on peut simplement s’interroger sur le fait que parfois, à vouloir démonter un cliché, on ne fait qu’enfoncer encore un peu plus le clou de ce même cliché.

“On essaie de faire rire tout le monde, même les féministes”. C’est vrai, je suis un peu con j’avais oublié, en devenant féministe, il se produit une mutation génétique bizarre qui prive bien évidemment de tout recul et sens de la dérision -ça va de pair aussi avec l’hystérie et la pousse des poils, et Vlan!- soyons sérieux deux minutes. C’est très louable comme intention, le lol universel, je serai la première à signer des deux mains si c’était possible mais encore faut il réfléchir au fait de comment on le fait. Pas question de ménager des sensibilités à outrance ou de s’interdire certains sujets, juste être conscients que nous faisons tous passer à divers degrés des messages. Sans exception. Et qu’il est bon parfois de se poser deux secondes et d’être un peu introspectif quand à sa propre tolérance à ces messages et ce qu’ils induisent dans nos comportements quotidiens.

Je rassure tout le monde: ce sera sûrement mon billet unique annuel coup de gueule, après je retourne écrire mes fictions. (ou alors à ma place: à la cuisine).

11 commentaires sur “Nanas, lol, et main au cul

  1. Valerie dit :

    ça va c’est pas un coup de gueule méchant, le problème du machisme c’est qu’il est aussi véhiculé par les femmes et les conneries genre « les femmes viennent de Venus les hommes de Mars » que ce genre de blog de filles tendent a donner raison à ces bouquins idiots. Perso à chaque fois qu’un connard m’a mis la main au cul j’étais en pantalon et pas habillée pour séduire, et j’ai passé le reste de ces journées là à prendre des douches. Ce genre de choses n’arrivant jamais aux hommes, il serait bon de les éduquer plutôt que de laisser penser que c’est de la faute de la meuf en mini, et les pétasses blogueuses ne le font jamais, donc tu as raison dans ton coup de gueule!

    • Sand dit :

      c’est ce qui m’énerve le plus, en effet :)

      • Marievh dit :

        Moi, je l’ai écris.

        Et de fait, Valérie a raison, les fois où je me suis fait « agresser » (rien de grave, mais te faire peloter les seins et les fesses, ou étrangler car tu veux pas embrasser un inconnu « pour rire », moi, j’appelle ça une agression, si), j’étais pas habillée sexy du tout.
        La violence ordinaire, comme le machisme ordinaire, sont rarement dénoncés.
        Et ça me gave.
        (et non, cela ne me fait pas rire)

  2. 10qssion dit :

    Très bon article qui me touche puisqu’il aborde deux thèmes que j’adore : les relations hommes-femmes et le lol.

    Je ne suis que très peu habitué à lire la presse féminine et je pense que c’est dû en grande partie au fait que je sois un homme. Cependant, chez le dentiste, ou quand je m’ennuie en vacances et que je tombe sur un « Be », un « Marie-Claire » ou je ne sais quoi d’autre, je le feuillette négligemment.

    Je me permets de donner mon avis même si vous ne serez peut-être pas d’accord avec.

    Je trouve que ces magazines imposent trop souvent un rôle à jouer à la femme. Comment elle doit s’habiller, se parfumer, se maquiller, cuisiner, mener sa carrière professionnelle tout en – bien évidemment – menant celle de femme de maison, assumer son rôle de mère, faire l’amour, sucer (appelons une pipe une pipe). Cette accumulation de clichés me fait mal au coeur pour vous. (Remarquez que pour les hommes, on y arrive tout doucement avec les GQ et autres…). On ne fait que chasser le naturel qui est certainement la chose la plus précieuse chez vous (en opposition au superficiel).

    Ce qui m’énerve également, et je le retrouve dans ton article, c’est la stigmatisation de l’homme. Comme la dit Valérie dans le précédent commentaire « le problème du machisme c’est qu’il est aussi véhiculé par les femmes ». Je suis contre le machisme tout comme je suis contre le féminisme exacerbé, d’ailleurs. Ce qui me marque fréquemment dans ce genre de revue sont les sujets comme « Mon mec est un vrai adolescent ». « Mon homme veut toujours faire l’amour ». Mon mari ne veut jamais faire l’amour ». Et là me vient cette subite envie de crier : « Mais bande de connasses, si vous n’êtes pas contentes ou satisfaites de nous, mais allez voir autres choses ! ».
    Ce genre de thème qui nous font paraître pour des harceleurs, obsédés, grands enfants, geeks, inintéressants sont aussi glorifiants que le sont pour vous les photos de nanas à poil dans la presse masculine. À quand de nombreux articles sur l’importance qu’a le sexe opposé pour notre équilibre ? Quand cesserons-nous de déclamer que hommes et femmes ne sont pas opposés mais complémentaires ? Je sais, ça fait un peu Oui-Oui ce que je raconte là, mais j’ai tellement peur que les femmes, sous couvert de rattraper leur retard en matière d’égalité et de parité, ne se trompent de combat et ne s’enferment dans un carcan où l’idéologie principale est : Nous savons que nous sommes belles, grâcieuses, intelligentes, multi-tâches, indépendantes et on emmerde ces imbéciles de mecs et leur foot, leur bière et leur bite.

    Je me calme.

    Pour ce qui est du lol, il est vrai que l’humour est un art très difficile à manier. Non, visiblement, ce gag n’avait pas l’air drôle. Mais on revient toujours au même problème de ce genre de presse : l’omniprésence du 1er degré et l’absence de second. Et pour manier ce dernier, il faut se creuser le ciboulot, se presser le citron, faire preuve d’un peu d’intelligence. Mais l’intelligence ne semble pas être la qualité première de ces magazines.

    Voilà, je t’ai répondu mais je ne me souviens plus trop de la question… J’espère ne pas avoir fait hors sujet…

    Je te laisse avec un tweet qui j’ai fait il y a quelques semaines et qui résument un peu tout ceci (second degré, bien sûr ;)

    « J’avais écrit sur un bout de papier un joli texte sur la parité et l’égalité entre les sexes mais ma connasse de femme a dû le jeter à la poubelle. »

    • Sand dit :

      j’ai ri… :)

      Merci du comm intéressant et qui rejoint assez ce que j’essayais de dire en fait. Juste je précise un peu: ici le gag en question n’est pas dans un magazine, mais bien sur un blog « lol » plutôt pas trop mal foutu en règle générale. Sans vouloir du tout stigmatiser ce blog en particulier, il a servi surtout à une réflexion élargie sur le lol et les femmes..

  3. 10qssion dit :

    Tout à fait, je ne m’en suis rendu compte qu’après avoir publié mon commentaire que tu parlais d’un blog et non de la presse. Mes confuses.

  4. 10qssion dit :

    Mais écoute, l’avantage, c’est que ça m’a donné envie d’écrire sur ce sujet ! Oh tiens, je me suis créé un WordPress ce matin…

  5. CausticGirl dit :

    Hello, je tiens moi même un blog, et suis munie d’une poitrine qu’on ne remarque pas de prime abord, et d’un vagin qu’on devine par déduction. Je trouve dommage de généraliser. S’il y a pas, comme partout, des choses moins bien, il y a aussi des blogs féminins qui traitent de sujets pas si insipides que la mode, le cul, les mecs. Encore faut-il les trouver. Quant aux blogs pourris, je crois qu’il n’y a pas de sexisme là-dedans, nos bipèdes mâles se débrouillent aussi pas mal.
    En tous cas, jolie plume :)

  6. CausticGirl dit :

    * s’il y a et non s’il y a pas ( ouais, ça n’a pas de sens sinon. )

  7. Ton billet est aussi vrai dans l’autre sens, souvent je lis des billets sérieux, avec une portée politique, polémique et souvent ça se prend au sérieux, et bien souvent la plume ne suit pas. Je ne dis pas que c’est comme ça partout. ( Tu noteras que j’ai fait le plein de pincettes pour pas m’en prendre plein la tronche) (Tu les vois un peu j’en ai mis de partout des pincettes)
    Quand je vais sur internet je cherche à me détendre et à me marrer j’en ai fait mon parti pris : je veux de l’humour, du facile et du gras.
    J’aime quand même lire des trucs sérieux, hein, comme ton billet par exemple et ta jolie plume. Mais je trouve ça dommage de pointer tout de suite du doigt, et de dire que les blogs de filles (généralités, nous sommes d’accord) véhiculent du sexisme. Oui y’a des billets qui sont complètement à côté de la plaque, oui je dois certainement faire des billets creux comme des cruches vides et plein de sexisme. Mais je fais avant tout des billets où je me vide le cerveau. Parfois j’écris des choses sérieuses, sans humour, parfois même j’essaye d’écrire des choses avec de belles phrase et de jolis mots, un peu poétique. Mais, après tout, j’ai pas la prétention de quoi que soit. C’est un blog, rien de plus.
    Enfin, bref je suis pas très clair et j’arrive pas bien à dérouler mon idée mais pour conclure je dirais qu’il faut pas non plus demander à un blog d’être ce qu’il n’est pas. Un blog c’est un blog, ce n’est pas un livre, ce n’est pas une revue de sciences ou de politique. C’est un outil qui permet d’écrire et c’est aussi à nous de lui laisser sa place et pas de lui demander plus.

    Bien à toi (ou j’aime bien écrire ce truc, ça fait épistolaire)

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