Corps

Aussi loin que je m’en souvienne j’ai toujours adoré regarder les gens. Pas juste poser un œil distrait sur leurs physionomies. Non. Vraiment les cerner, les disséquer, me les approprier. Les silhouettes-origamis, en ballons, les ardues et les émotives. J’ai toujours eu une marotte: les grands. Les double-mètres, ou presque. Il y a un truc de proprement fascinant chez ce genre de types immenses. La façon dont ils s’approprient l’espace, dont ils se meuvent.

Parfois ils ont l’air de pas savoir quoi faire de leurs dizaines de centimètres excédentaires. Un peu comme des poulpes. J’imagine que ça doit leur faire pareil: un trop plein de membres et de chair qui s’enchevêtrent et s’imbriquent, dessinent des sinusoïdes dans l’air. Des masses encombrantes qui tirent au ciel et peinent à prendre corps à terre. Ceux là ont en permanence un croissant de lune horizontal en guise de lèvres et d’excuse. Pardonnez de prendre trop de place. Pardonnez moi de vous cacher l’horizon, de buter avec le haut du crâne contre le linteau, d’être trop là. Lire la suite