Ecrivain #19

Début de l’histoire ici

Contenu explicite. Réservé à un public majeur et averti

Claire a une façon de ne rien regarder, mains tordues, jointures blanches à force de serrer, droite comme un I avec ses petits seins rapprochés par ses biceps collés aux côtes… Sans doute qu’elle fait tous les efforts nécessaires pour ne pas trop se laisser aller: pas craquer, une question de politesse. Et puis, elle ne peut pas verser une larme alors que les yeux de la femme de Paul – Élisabeth- sont toujours secs. La préséance de la tristesse. Même dans des conditions pareilles, Claire est affreusement snob et bien élevée, bienséante. Parfaitement connasse.
Tout le long du trajet, je visualisais Paul comme dans un de ces films ou séries américaines, bardés de tubes et des aiguilles un peu partout,  des machines en surnombre, des lumières qui clignotent et des perfusions, poches de plasma ou glucose, je sais pas le genre de truc qui vous collent le cul par terre quoi. Une chambre immense, blanche cachet – forcément- des fleurs partout et des gens éplorés. Lire la suite

Nanas, lol, et main au cul

Il m’arrive, assez peu, je dois bien l’avouer, mais ça m’arrive de lire des blogs de filles. Je ne parle pas ici de blog physiquement tenus par une personne munie d’une paire de seins et d’un vagin mais plutôt de blogs qui se revendiquent comme des espaces “féminins”- entendre par là des blogs qui abordent des problématiques essentiellement féminines (épilation, sexe, mode, vie sentimentale) sous des angles divers et variés mais marqués tous plus ou moins d’un certain communautarisme puisque siglé par l’appartenance à un sexe.  Mais j’y jette un œil à l’occasion. Histoire de voir si je ne me trompe toujours pas, et si l’âge venant peut être -pour moi- ou l’expérience aidant -pour elles- je ne me retrouve pas par miracle sur des articles pertinents/ intelligents/ drôles voire orgasme suprême tout ça à la fois.
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Printemps

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Au printemps se repeindre les cœurs au vin blanc comme dans cette vieille chanson. Le transistor la crépitait, je l’ai retrouvée gravée sur cd pas pareille: mais en fermant les yeux, elle revient. Au printemps. Encore un peu d’ivresse comme parapente, s’en aller immobile, les yeux grands ouverts et le cœur décroché. Laisser le vent errer sur nos visages gris, tournicoter une mèche, affoler une jupe et s’engouffrer, là plus haut plus bas contre le torse sous l’echancrure, au creux du coude ou à la lisière d’un coton intime.

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Gosse

Elle a des yeux bleus immenses qui mangent son visage en forme de losange. Le teint pâle, les joues inexistantes, son menton est une ébauche mais ses yeux à eux seuls valent le détour. C’est presque une gageure de les décrire. Ils sont d’un bleu intense presque violet et en même temps ils tirent aussi vers le marine. Pourtant ils ne sont pas éteints: ils étincellent. Il faudrait pouvoir mélanger des teintes sur une palette au fur et à mesure qu’ils fuient vers d’autres selon la lumière, son humeur … La pluie les rend liquides, limite noirs. Du pétrole. Lire la suite

Corps

Aussi loin que je m’en souvienne j’ai toujours adoré regarder les gens. Pas juste poser un œil distrait sur leurs physionomies. Non. Vraiment les cerner, les disséquer, me les approprier. Les silhouettes-origamis, en ballons, les ardues et les émotives. J’ai toujours eu une marotte: les grands. Les double-mètres, ou presque. Il y a un truc de proprement fascinant chez ce genre de types immenses. La façon dont ils s’approprient l’espace, dont ils se meuvent.

Parfois ils ont l’air de pas savoir quoi faire de leurs dizaines de centimètres excédentaires. Un peu comme des poulpes. J’imagine que ça doit leur faire pareil: un trop plein de membres et de chair qui s’enchevêtrent et s’imbriquent, dessinent des sinusoïdes dans l’air. Des masses encombrantes qui tirent au ciel et peinent à prendre corps à terre. Ceux là ont en permanence un croissant de lune horizontal en guise de lèvres et d’excuse. Pardonnez de prendre trop de place. Pardonnez moi de vous cacher l’horizon, de buter avec le haut du crâne contre le linteau, d’être trop là. Lire la suite

Seize

Un mec chasse l’autre: un peu plus paumé que le précédent, bancal mais inédit: il existe une telle variété dans les tares et les addictions humaines qu’on découvre toujours des choses. Observer est un échappatoire, en dehors de ça il n’y a rien. A part écrire. Se barder de solitude, choisir de ne pas s’entourer, préférer son propre monde à celui des autres. Contraster sur le papier. Par petites notes, entre paresse et peur affreuse. De ce qui se lit, entre les lignes de ce que ça révèle et de ce que ça concède. J’écris parce que je n’ai pas le choix: aucun plaisir là dedans, sauf peut être cette transe inracontable, quand immergée dans sa propre histoire on se sent comme dédoublé, cette fille qui se raconte n’est plus moi. J’observe ses doigts écrivant frénétiquement, sa respiration hoquetante. Elle invoque, ébauche, débauche. La fin des mots est une souffrance pire encore: comment peut on faire sans jeter la bile sur le papier? Il faut s’obliger à vivre, encore, pour se créer de la matière à triturer, à modeler. Vomir ses pas et ses envies. Lire la suite

M’amour

M’amour: c’est ainsi qu’il me nomme. Ridicule, absurde, absente, je laisse faire. Il est n’importe qui. Parfait. C’est exactement le genre de type auquel je ne peux pas m’attacher. Expérimenter un garçon, ses lèvres, ses baisers, ce que cela fait de plaire à quelqu’un, de tenir compte d’un autre dans ses priorités: je trouve ça intrigant et quasiment zoologique. Mon singe pas savant: des yeux verts trop rapprochés pour être vraiment beaux, un nez trop fort, des lèvres papier-cigarette, un corps qu’il n’a de cesse de vouloir sculpter, suant sous la fonte. Sept ans nous séparent, sept ans que je franchis allégrement de mes converses noires. Sous ma semelle, le sol est élastique: savoir que je l’attire me rend le monde pop et facile. Je joue un peu avec le feu. Grisant. Électrique. Lire la suite

Ecrivain #18

Début de l’histoire ici

Contenu explicite.Réservé à un public majeur et averti.

Je suis totalement happé par cette image sur mon écran. La rondeur du dessous, la peau fine qu’on devine douce, un grain de beauté juste sous le sein droit, petite tâche noire hypnotique. Sauf que quelque chose sur lequel je ne peux mettre le doigt me perturbe.

 Mauvais esprit.

 Si. Je sais. Sur ma boite gmail, à côté de son pseudo, une boule verte. Je pourrais lui parler, elle est en ligne. Sans doute qu’elle le veut, que c’est fait exprès. Je n’avais jamais remarqué ça jusqu’à présent. Que faire? Engager la conversation? Oui, mais comment? La complimenter? Jouer les distants, les agressifs, et si c’était un homme, une arnaque, si je me faisais avoir? Lire la suite

Art du soufflé

Contenu explicite: réservé à un public adulte et averti.

Les glaçons tintinnabulent dans les verres, un serveur passe, un peu maladroit, son plateau manque de se renverser dans le dos d’une très jeune femme à cheveux longs. Comme souvent dans ce genre d’endroit, on entend une musique qui partout ailleurs serait taxée de kitch. Bizarrement elle ne fait qu’ajouter à l’ambiance un peu lascive. Un coup de fil, quelques phrases mécaniques, et nous y voilà. Lui, assis en face de moi. Chemise pas complètement boutonnée, l’air dégagé.

Commander quelque chose. Il ne faudrait pas se laisser prendre au jeu de la timidité : lui montrer qu’il ne m’impressionne pas tant que ça. Morte de trouille, mes doigts glissent le long de la carte, je tente de me concentrer. Des doigts qui glissent, oui c’est ça, et…

Reprends toi. Tu n’y es pas encore. Lire la suite

Opus Wine

Trois points de suspension. Quelques minutes plus tôt résonnaient encore des rires et des voix rendues complices par le vin. Calme après la tension. Elle a toujours la boule au ventre quand il s’agit de parler en public. Il reste ce vieux fond de timidité, de mise en danger. Et puis surtout ce cheveu, ce fil tortueux empêtrant sa langue et ses mots. Domestiqué, refoulé tout au fond du palais, exilé mentalement, il revient parfois à l’improviste quand elle est nerveuse ou émue.Certains trouvent ça charmant : elle ne peut s’empêcher de les trouver idiots. Lire la suite